L’art du troc de livres de poche en France : mode d’emploi et astuces pour lecteurs enthousiastes

Le livre de poche a ceci de magique qu’il est léger, nomade et, surtout, accessible à tous. Mais depuis quelques années, un autre phénomène littéraire s’est discrètement installé dans nos habitudes : le troc de livres. D’après le Centre national du livre, près de 70% des Français possèdent chez eux au moins un livre qu’ils n’ont jamais lu (Source : Baromètre CNL/IPSOS 2022). Plutôt que de les laisser dormir, de plus en plus de lecteurs choisissent de les faire circuler.

Ce n’est pas seulement une question d’économie, même si l’attrait financier n’est pas négligeable. C’est aussi une démarche écoresponsable : prolonger la vie d’un livre, c’est réduire son empreinte écologique (Source : ADEME – L’empreinte carbone du livre papier). Ajoutez à cela le plaisir de la rencontre – avec un roman, mais aussi parfois avec un autre lecteur – et vous obtenez une pratique aussi conviviale qu’enthousiasmante.

Troc n’est pas synonyme de don. Dans une boucle de troc, chaque échange compte : on offre un ouvrage, on en reçoit un autre en retour. Contrairement à l’achat ou à la vente, il n’y a pas de transaction monétaire (à une ou deux exceptions près, évoquées plus bas). Tout repose sur la confiance, la curiosité… et parfois sur d’habiles compromis !

• Le format poche reste prédominant pour sa praticité (enquête GfK 2023 : 58% des titres échangés sont des poches).
• Genres échangés : les romans policiers, la littérature contemporaine et la science-fiction occupent régulièrement le haut du panier.

Les boîtes à livres : micro-bibliothèques à ciel ouvert

Impossible de passer à côté : en 2024, la France compte plus de 12 000 boîtes à livres répertoriées (Source : OpenData map Boite à lire). De la boîte en bois décorée du village à la vieille cabine téléphonique reconvertie sous un porche d’immeuble, elles sont devenues des symboles du partage en mode zéro contrainte. On y dépose un livre lu – en poche, idéalement – et on repart avec une découverte, sans formalité.

• Retrouvez la carte des boîtes à livres sur boite-a-livres.com.
• Certaines villes, comme Lyon ou Nantes, organisent même des “fêtes de la boîte à livres” au printemps.

Bourses aux livres, salons et événements locaux

Associations, bibliothèques et écoles multiplient les bourses aux livres – notamment en début d’année scolaire ou lors de festivals du livre. À Paris, le Salon du Livre Ancien et d’Occasion accueille chaque année plus de 500 000 visiteurs, dont une large part adeptes de l’échange et du troc (Source : Livres Hebdo, 2023). Hors de la capitale, les “cafés lecture” et “nuit du troc” se répandent de village en village !

Plateformes en ligne et réseaux sociaux dédiés au troc

• BookMooch : L’un des pionniers du troc international. En 2023, la plateforme recensait plus de 650 000 membres actifs, dont presque 15 000 utilisateurs français.
• La Bourse aux Livres : Application française qui propose aux lecteurs de vendre ou donner des livres, avec de plus en plus d’échanges en direct entre voisins.
• Groupes Facebook spécialisés, par région ou par genre littéraire : une recherche “troc livres Strasbourg”, par exemple, donne des dizaines de groupes locaux actifs.

Si l’on y ajoute les forums historiques comme Babelio ou Livraddict, ce sont plus de 200 000 fans du troc estimés en France sur Internet.

Déposer, échanger, emporter : le mode d’emploi simple en 3 étapes

1. Sélectionner des livres de poche à proposer : Privilégier des titres en bon état, dont la reliure, la couverture et les pages ne sont ni déchirées ni annotées. Les lecteurs apprécient particulièrement les séries complètes et les tirages récents.
2. Dénicher un point de troc (physique ou en ligne) : Cela peut être la boîte à livres de votre quartier, un forum comme Babelio ou une bourse associative.
3. Respecter la règle d’or : Chaque livre pris doit idéalement être remplacé par un autre – la circulation doit rester équilibrée, pour que tout le monde y trouve son compte.

La règle peut varier selon le support. Sur BookMooch, par exemple, chaque livre envoyé permet de gagner des "points", lesquels servent ensuite à demander des ouvrages. De même, sur des bourses physiques, il est parfois possible de prendre plusieurs livres en échange d’un don financier modéré, servant à financer l’événement.

Conseils pratiques pour réussir ses échanges

• Avant de proposer un livre, vérifiez s’il est recherché sur les plateformes (un rapide tour sur “Liste de souhaits” de Babelio peut être révélateur !)
• Envoyez toujours vos livres bien protégés si l’échange se fait à distance.
• N’hésitez pas à inscrire une dédicace discrète ou un petit mot doux pour le prochain lecteur (certaines plateformes encouragent même cette tradition !).
• Pour les séries, privilégiez l’échange de l’ensemble : un Harry Potter orphelin de ses tomes voisins risque de moins séduire…

• 12 000 boîtes à livres recensées en 2024, dont près de 1 400 en Île-de-France (carte participative OpenData).
• Plus de 2,5 millions de livres échangés chaque année par ce biais selon les estimations croisées de Babelio et OpenData (2022-2023).
• 58% des livres échangés sont des poches, devant les formats grand public et beaux livres (GfK, 2023).
• Sur BookMooch, les titres les plus échangés en 2023 sont “L’Affaire Harry Quebert” de Joël Dicker, “La délicatesse” de David Foenkinos et “Ecoutez nos défaites” de Laurent Gaudé (source : BookMooch stats publiques).

• Élargir sa culture sans risquer son budget : Certains troqueurs lisent jusqu’à 60 livres par an sans jamais passer en librairie ! Voilà une raison de craquer sans culpabiliser.
• Susciter le dialogue à travers une passion commune : des dizaines de groupes locaux organisent régulièrement des “apéro-livres” – un moment propice à la discussion, à l’amitié, et même aux rencontres inattendues.
• Réduire son empreinte écologique : Plus un livre circule, moins il pèse sur notre planète. À titre d’exemple, l’ADEME estime qu’un livre de poche a une “empreinte grise” de 1,1 kg CO2 sur tout son cycle de vie ; renouveler les lectures sans produire de neuf est donc un véritable geste vert.

Bonne nouvelle : en France, le troc de livres reste totalement légal et même encouragé par nombre de collectivités. Toutefois, l’exception existe si le livre est “échantillon presse” ou “service presse non destiné à la vente”, auquel cas il ne peut légalement être commercialisé ou même échangé dans un cadre formel (Source : code de la propriété intellectuelle, art. L122-5). Une autre règle : certains livres scolaires récents demeurent soumis à un contrôle, car leur revente ou leur troc peut être restreinte par les éditeurs (ministère de l’Éducation nationale).

S'agissant de livres rares ou anciens, la prudence est de mise : pour des ouvrages issus de collections patrimoniales ou d’avant 1940, mieux vaut consulter un libraire expert ou une bibliothèque avant de les lâcher dans la nature. Mais pour le roman de poche grand public paru depuis quinze ans… pas d’inquiétude !

• Bibliotroc, le service simple d’échange de livres entre particuliers, principalement axé sur le format poche, qui favorise une logistique “française” (l’envoi se fait souvent via des points relais économiques).
• Les boîtes à livres solidaires (notamment celles gérées par Emmaüs ou les Restos du Cœur) permettent d’allier passion du troc et geste solidaire pour des familles moins équipées de livres à la maison.
• Les QR codes dans l’espace public : à Toulouse, plusieurs bibliothèques ont lancé en 2023 une expérience où chaque livre déposé porte un QR code à scanner pour suivre… son “arbre de vie” au fil des échanges !

Les habitudes changent vite, et le troc est devenu un véritable phénomène de société. Selon une récente étude de Paris Match (2024), 1 Français sur 4 a déjà participé à un échange de livres, et la majorité d’entre eux envisagent de recommencer dans l’année à venir. Avec la montée des préoccupations écologiques, le goût du local et le besoin de recréer du lien social, il est probable que le troc de livres, notamment au format poche, soit promis à un bel avenir.

Par ailleurs, certaines start-up françaises réfléchissent à associer troc et économie circulaire, avec des modèles où chaque roman échangé donnerait droit à des crédits pour des cours, des ateliers ou des rencontres avec des auteurs… De quoi encore élargir cet univers d’aventure littéraire collective.

Que l’on souhaite alléger sa bibliothèque, découvrir des auteurs hors des sentiers battus ou simplement retrouver le plaisir de la transmission, il suffit parfois d’un seul pas : repérer la boîte à livres la plus proche, consulter une application ou glisser un ouvrage dans un panier collectif lors d’une sortie. Il n’y a pas de mode d’emploi parfait, mais un goût commun : celui de la lecture qui voyage. Bonne exploration !